Salut toi ! J'me présente, je m'appelle Henri, je voudrais bien réussir ma vie et du coup, je fais une étude sociologique sur les divers groupes qui peuplent cette bonne vieille Terre et, miracle, t'as croisé mon chemin ! T'as du temps à m'accorder ? Ouais ? Super !

Dis-moi, j'suis curieux, si tu m'en disais un peu plus sur toi ? Ton nom pour commencer, ce serait déjà bien ! Amber, comme l'ambre qui m'a souvent été associée. D'accord, d'accord...mais tu n'as pas un autre petit nom ? Tu sais de quoi je parle bien sûr *wink wink* Valfreyja, Vanadis, Sýr, Mardöl... il y a bien des façons de s'adresser à moi, mais la plus connue reste Freyja. Oh wow, ça en bouche un coin, j'avais jamais rencontré de dieu auparavant ! Je me disais bien que je sentais quelque chose de spécial chez toi. Du coup, si je me rappelle bien de mes cours, t'es bien la déesse de l’amour, de la fertilité, de la guerre et de la sexualité du panthéon nordique, c'est ça ? Trop fort. En tout cas, laisse-moi te dire, c'est un honneur, vraiment ! Il y a tellement d'histoires, à ton sujet, si anciennes...tu dois avoir au moins 2000 ans, non ? Par contre, dis-moi si c'est juste une rumeur ou pas, mais j'ai entendu dire qu'une Alliance entre les dieux était en train de se former, tu sais, pour contrecarrer les plans de l'Apocalypse. Tu peux m'en parler un peu plus ? Je suis prête à assister Odin dans cette tâche. Merci, c'est vraiment sympa !

Passons à un sujet un peu plus léger, maintenant...Il y a tellement d'histoires d'amour compliquées entre les dieux, je me demandais, toi, t'as eu ton lot d'aventures ? Tu penches plus d'un côté que de l'autre ? Je suis pansexuelle.  Oh, intéressant. Et y'a quelqu'un dans ta vie, en ce moment ? Par pur intérêt scientifique, bien sûr Je suis, et j'ai toujours été libre de m'offrir et de m'associer à qui me plait, et je ne suis pas du genre à abandonner mes amants après une nuit, les protégeant et veillant sur eux par la suite. Je n'ai pourtant vécu qu'une véritable histoire d'amour pour laquelle j'ai versé de nombreuses larmes, et qui m'a donné deux filles. D'accord, d'accord, arrêtons de parler de tes amours, j'ai compris, ça me regarde pas. M'en veux pas, j'aime bien être au fait des choses !

Parlons un peu de ta vie terrestre à présent, c'est quoi ton occupation ? Chanteuse dans de petites salles ou pubs, j'ai mon petit succès par le bouche à oreille. Pas mal, pas mal. J'adore ton apparence terrestre, au fait, moi j'ai pas tellement été gâté par la nature. Toi, on dirait que t'as 30 ans et tu ressembles à Evan Rachel Wood, c'est la classe quoi ! Allez, une petite dernière pour la route et je te laisse tranquille...Comment tu te décrirais, niveau caractère, tempérament ? Pour ceux qui nous lisent, tu comprends, moi je sais tout.

On pourrait décrire Freyja comme une femme forte et libre, prête à agir comme il lui plait. Face à un ennemi, elle ne se laisserait pas marcher sur les pieds. Elle a une volonté de fer : elle n'est pas bornée et est prête à changer d'avis, mais ce sera toujours sous ses termes. Elle a beaucoup d'amour propre, principalement parce qu'elle connait ses forces, ses attraits, et qu'elle en retire de la fierté et de la joie. Elle est intense, passionnée, que ce soit en amour ou en général. Dans le monde moderne, elle se retrouve dans les idées du féminisme. En un sens, elle apprécie cette génération plus que celles qui l'ont précédées - même si de toute évidence, son époque préférée reste celles des années glorieuses de son culte.

Volontiers séductrice, elle est connue pour avoir eu de nombreux amants et a beaucoup d'amour à offrir. Elle aime être désirée, elle aime l’érotisme et les plaisirs de la chair. Bien qu'elle ne soit pas fidèle à une seule personne, Freyja n'oublie jamais ses anciennes aventures, et a pour habitude de veiller sur celles et ceux qu'elle a aimé, dans leur vie et dans leur mort. Elle est donc très sincère dans chacune de ces histoires... même si aucune histoire sentimentale ne la touchera jamais comme celle, bien trop courte qu'elle vécu avec son époux Óðr et qui lui donna deux enfants.

Elle aime les beaux objets, le luxe et les choses de valeur : l'or, l'ambre, les joyaux. Hélas, les temps sont durs, et se parer de tant de richesses devient de plus en plus compliqué.

Bien sûr, elle est aussi toujours très amère face aux arrivistes monothéiste et à leurs actions passées et actuelles. A ses yeux, le principe même d'un dieu unique est absolument absurde, et au delà de ça, même leurs valeurs lui déplaisent. La façon que les chrétiens ont eue de s'imposer dans ses propres contrées, en peignant d'elle le portait d'une femme dépravée comme si l'acte d'amour était une mauvaise chose, lui est toujours resté en travers de la gorge. Et ce n'est pas la nouvelle de cette apocalypse imminente qui va l'apaiser.

Et bien merci beaucoup, ça a été un plaisir de bavarder avec toi ! A une prochaine fois peut-être ?

Il y eut une époque bénie où tout semblait aller comme il le fallait. Une époque où les hommes savaient, où les hommes croyaient, et où les Dieux du panthéon nordique, comme il se devait, étaient puissants et révérés.

Et parmi eux, il y avait une déesse belle et forte, populaire et aimée, une déesse libre et bienveillante. On la nommait Gefn, la donatrice, Mardöll, la mer brillante, Sýr, la truie, ou Vanadis - déesse des Vanes, tout comme son frère jumeau Freyr et son père Njörd. C'était Freyja, le Dame, et on pouvait comprendre en la voyant pourquoi elle était tant aimée.

Freyja représentait l'amour et la passion, la mort et la guerre. On la disait d'une beauté époustouflante, avec son collier d'or et d'ambre et son manteau magique fait de plumes de faucons. Avec sa longue chevelure étincelante, son port sensuel, son charisme, elle était appréciée et désirée par bien des êtres, et n'aurait pas voulu qu'il en soit autrement.

Quand son époux, le Dieu des blés Óðr, la laissa seule après lui avoir donné ses deux filles Hnoss et Gersimi, elle le pleura passionnément et s'en fut à sa recherche. Elle parcourut le monde sur son char, tiré par ses deux grands chats, tandis que ses larmes d'or rouge se transformaient en ambre en tombant dans la mer. Mais la déesse, vite consolée, avait assez d'amour en elle pour bien des relations, et elle en eut plusieurs, sans honte et sans tabous. Elle aimait comme elle vivait, avec force et passion, et selon ses propres termes. Et personne ne l'aurait imaginé autrement.

Magicienne, guerrière, elle fut la première des Valkyries, et la moitié des âmes des hommes tombés au combat étaient accueillis dans son domaine.

C'était une belle époque, qui aurait du perdurer des siècles encore. Mais tel ne fut pas le cas.

Elle réalisa bientôt que les gens l'évoquaient moins... Que moins de prières lui venaient pour lui demander aide et guidance, et que les offrandes en son honneur faiblissaient de jour en jour.

La raison ? L'arrivée de ces monothéistes, avec leur Dieu unique, leur sainte vierge, et leurs théories sans valeur, déniant l’existence même de ceux qui les avaient pourtant précédés. Au delà du fait qu'ils lui volaient ses adorateurs, Freyja les détestait pour leurs idéaux à l'encontre des siens, leur déni de la féminité et de tout ce qu'elle représentait. L'amour charnel, si bon et naturel, devenait soudain et pêché terrible et elle-même, sa déesse, était une impie infréquentable. Un coup dur, une véritable trahison pour la Dame - et pour le reste de son Panthéon qui, comme elle, étaient désormais boudés et ignorés par leurs anciens fidèles.

Et pourtant... à l'échelle du monde, les nordiques n'étaient pas les plus à plaindre. Car il y avait d'autres Dieux, venus d'autres contrées, qui avaient vécu le même abandon avec le temps... et aussi loin que ces choses allaient, le panthéon du Nord ne se portait pas trop mal. Dans les histoires, dans les livres, dans les jours de la semaine, leurs noms perduraient, et bien que peu de personnes les adorent, au moins ils n'étaient pas oubliés. Alors ils survécurent, des années, des siècles, des millénaires, dans un monde qui était le moins en moins le leur.

Si bien peu de gens, aujourd'hui, déposent encore du miel et de l'ambre à son hotel, elle n'en reste pas moins présente. Elle n'a rien perdu de son ardeur de vivre pendant ces années, passant d'un métier à l'autre au gré de ses envies. Elle se contente des quelques "néo païens" qui prient en son nom et des quelques autres qui ne croient plus vraiment mais qui au moins la connaissent, et mène sa vie comme elle le peut. A Londres, sous le nom d'Amber, elle chante et subjugue ses auditoires par sa présence scénique. Sa voix est agréable, mais pas exceptionnelle, et pourtant nul ne semble capable de la quitter des yeux quand elle entre sur les petites scènes de bars où elle se produit. Leurs regards, leur amour, même s'il ne dure que le temps d'une soirée, lui apporte assez de plaisir pour continuer. Elle chante l'amour, la passion, la guerre, elle chante les louanges d'une époque révolue.

Chez elle, avec ses deux chats, elle garde toujours un beau collier d'ambre et un vieux manteau de plumes.

La matinée touchait à sa fin à Londres, une matinée d'hiver courte et fraîche qui donnait envie de rester chez soi. C'était vendredi, et comme tous les vendredis, on sentait chez beaucoup de passants une sorte de soulagement mêlé d'impatience. "Thanks God, It's Friday", plaisantaient certains d'entre eux avec un air entendu sans tenir compte du fait qu'ils auraient probablement du remercier quelqu'un d'autre en cette veille de week-end.

Dans une rue assez passante de la ville, contenant plusieurs habitations et, bien sûr, l'obligatoire café Starbucks, se trouvait un immeuble. C'était un petit immeuble assez ancien et très banal, comme il devait y en avoir des centaines à Londres, avec trois étage, un seul ascenseur lent et souvent en panne, et quelques habitants du troisième âge inclus. Au sommet de cet immeuble vivait Freyja. Et en voyant son appartement, beaucoup auraient eu du mal à y croire.

L'endroit n'était pourtant pas abominable, loin de là. C'était une jolie habitation située sous le toit du bâtiment, avec un plafond-mur tout blanc en diagonale. Il était peut-être un peu petit - une salle de séjour avec cuisine, une chambre, une salle de bain - mais pour Londres, ce n'était pas mal du tout. Sa locataire en appréciait surtout la luminosité, car il était bien orienté et laissait entrer le soleil chaque matin. Le tout était en outre très bien décoré, avec chaleur et gout - au final, c'était un endroit accueillant dont on aurait pas pu se plaindre..

Le seul petit problème, c'était que l'endroit ne semblait pas vraiment adapté à la présence de ce qui était, dans le fond, une véritable déesse. Pas vraiment grandiose. Mais Freyja ne s'en offusquait pas à outre mesure. Elle n'y passait de toute façon pas énormément de temps : elle était loin d'être casanière. Et elle ne prenait jamais l'ascenseur.

En ce moment pourtant, elle se trouvait bien chez elle, occupée à préparer quelques la table pour accueillir son invité. Car oui, elle attendait de la visite, et pas des moindres.

Odin faisait partie des quelques anciens dieux qui avait réussi dans la vie moderne. Celà faisait quelques temps qu'il s'agitait à propos d'une "alliance" vouée à contrer l'influence des nouveaux venus à plumes ou à cornes... et Freyja ne pouvait qu'approuver. Que ce soit par solidarité avec son compatriote, par envie de rendre la monnaie de leur pièce à cette bande d'arriviste, ou simplement parce qu'elle et le Père de tout avaient déjà des siècles de bons rapports derrière eux, elle ne voyait pas de raisons de refuser. Elle ne doutait pas que ce serait probablement de ça qu'ils allaient parler dès qu'il arriverait.

Elle se demandait s'il avait quelque chose de particulier à lui demander. Une alliance de dieux, c'est joli en mots, mais en pratique, ce n'est pas facile à organiser. Freyja ne doutait pas qu'il devait rencontrer ben des difficultés avec les différents représentants des panthéons antiques. Et elle-même pouvait se montrer assez persuasive. Cherchait-il de l'aide ? Elle attendait de toute façon de voir de quoi il était question avant de prendre quelle que décision que ce soit. Pas question d'accepter n'importe quoi.

Elle était plongée dans ces pensées, en train de caresser l'un de ses chats qui roupillait sur le canapé, quand la sonnerie de l'interphone se fit entendre. Le voilà ! Elle alla rapidement répondre. Quoi qu'il arrive, la rencontre allait être intéressante.